En Corse l’initiation à la transmission se féminise…dans les pas du père

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Les femmes se font une place d’honneur dans le vignoble insulaire ce qui apporte un nouveau regard sur le vin Corse. Initiées très tôt à la vigne et à la terre, ces jeunes vigneronnes s’appuient sur les conseils de leurs pères mais innovent et quand elles font ce métier de vigneronne c’est un vrai choix et c’est une passion. Je vous en parlais déjà il y a 3 ans, car après un séjour dans cette île de Beauté j’avais été frappée par la délicatesse de certaines nouvelles cuvées que j’avais acheté.
Je suis ravie de constater que les femmes se sont imposées dans la vinification mais aussi dans la communication, certaines ont adapté leur packaging aux consommatrices de plus en plus nombreuses à acheter le vin, puisque les jeunes femmes Corses désormais apprécient de boire les vins blancs et rosés de leur île.

Pour mieux comprendre l’élan de reprise en mains des Domaines par les filles, il faut se souvenir que selon une tradition ancestrale les domaines Corses sont des entreprises familiales qui se transmettent aux enfants. Si le phénomène a des raisons structurelles ici, comme l’absence des droits de succession qui facilite la transmission familiale des propriétés agricoles, il n’en demeure pas moins frappant car il ne faut pas oublier que dans la société Corse la femme joue un rôle déterminant. Elles reconnaissent que cela n’a pas toujours été évident d’être fille de vigneron, car il existe inévitablement une forme de pression familiale quand les frères ne veulent pas s’investir dans les Domaines viticoles.

Mélissa, et Eloïse Bianchetti ont à peine 30 ans. Difficile d’imaginer tandem plus complémentaire : Mélissa pilote le marketing et Éloïse qui a décroché un BTS d’œnologie à Bordeaux dirige les vignes et la cave du Clos Capitoro. Elles n’avaient pas encore 15 ans lorsqu’elles ont  pris conscience qu’elles étaient  les seules à pouvoir reprendre le domaine, les Bianchetti n’ayant pas eu de fils, il était logique que les deux filles reprennent l’affaire.

Élisabeth Quilichini (photo ci-dessus),  dirige depuis 6 ans le domaine Castellu di Baricci, 12 hectares dans la vallée de l’Ortolo, près de Sartène, elle est fière à même pas trente ans elle aussi, de représenter la quatrième génération de femmes vigneronnes chez les Quilichini.  Elle travaille désormais en bio les vignes de son arrière grand’mère, pour ne pas salir sa terre ! des terres qu’elle partage en co-gérance avec sa mère, Laurence.

Sur cinq générations ayant dirigé le domaine Maestracci, dans l’AOC Corse Calvi, trois ont été portées par des femmes. Camille-Anaïs Raoust est la dernière génération,  à 29 ans elle s’est lancée sans regret dans une école d’agriculture et a passé un diplôme d’œnologie.  Elle perpétue cet amour de la terre et du vin indispensable à l’élaboration d’un grand vin. Le Domaine Maestracci est abrité par la haute plaine de la vallée du Reginu, un excellent terroir viticole.  « Le Clos Reginu » et « E Prove » sont des cuvées de renom.

l’AOC Corse Calvi, avec trois femmes sur douze producteurs, est plus féminisée que celle de Patrimonio.

 

Voisine de Camille-Anaïs, Marina Acquaviva, 28 ans, a marché dans les pas de son grand-père François et de son père Achille en reprenant le domaine « A Ronca », voisin de Figarella, celui que gère son père. Marina Acquaviva exploite une douzaine d’hectares composés de cépages exclusivement insulaires et cultivés depuis trois générations par sa famille sur le domaine de la Figarella. Son travail a été plusieurs fois médaillé grâce à son remarquable rosé gris cuvée « A Ronca ». Marina est une jeune femme dynamique. Elle s’est vue confier, il y a trois ans, la présidence du Syndicat des vignerons de Balagne épaulée dans cette tâche par Camille-Anaïs Raoust, en tant que vice-présidente. Un de leurs premiers objectifs était de redynamiser le syndicat des vignerons de cette appellation.

Enfin Cathy Paolini, la troisième est à la tête du Clos Landry 30 ha à l’entrée de Calvi. Clos Landry est crée lorsque le premier rose-gris est commercialisé à la propriété en 1978, par son père Fabien qui n’a qu’une fille. Cathy n’aura pas le choix et après des études de gestion à Corte et un détour de quelques années sur le continent, elle le rejoint en 1994. Cathy est aujourd’hui la quatrième de cette génération de Paolini, heureuse de cette décision.

Comment ne pas vous présenter le Domaine de Granajolo managé par Monika et Gwenaële Boucher. Je l’ai découvert lors de mes dernières vacances à Porto-Veccio lorsque je cherchais des vins rosés fruités et bio. Il est situé dans un coin ravissant entre Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio  et  Zonza. Le domaine se trouve tout proche du site préhistorique d’Araghju. Je vous recommande le rosé, cuvée Monika cépages : Sciaccarellu en majorité (60%) assemblé avec Barbarossa, Syrah et Niellucciu.

Parmi les dernières installées Stéphanie Olmeta fait exception, elle cultive peut-être un certain sens de la provocation. Installée sur 8 hectares, elle séduit avec des vins au charme naturel. Les rouges sont 100 % Niellucciu et les blancs secs, 100 % Vermentino. »Stéphanie est une enfant du pays, elle a grandi à Patrimonio, son oncle vigneron est le maire du village, et un beau jour, elle a quitté son job de secrétaire pour reprendre les huit hectares de vignes de ses grands-parents. Elle a restructuré les vignes complantées de Vermentino, Nielluccio et Muscat petit grain, remplacé les plants manquants, construit un chai d’élevage et une cave avec l’aide de son mari et elle a appris à conduire et gérer un vignoble en bio qui porte aujourd’hui son nom.

En Haute-Corse c’est Josée Vanucci-Couloumere qui manage le Clos Fornelli, un domaine familial. Elle a de suite planté les cépages Biancu et Minustellu, ses cuvées « Robe d’Ange » lui ont permis d’atteindre une belle reconnaissance par les professionnels.

Celles qui ont ouvert la voie

Cela n’a pas été aussi évident pour les premières femmes à s’être imposées dans l’univers du vin insulaire. J’en ai été le témoin lorsque j’ai interviewé ces femmes au début de l’écriture de mes premiers guides. Lina Pieretti, par exemple dont le père a fondé la Foire de Luri en 1989, elle ne se destinait pas à cette carrière, elle travaillait dans une société de travaux publics. Et puis son père n’ayant pas eu de fils, elle s’est impliquée, par amour pour lui et la passion est venue en travaillant. Je me souviens,  Lina a été la première ou peut-être la deuxième femme officiellement installée en Corse, avec Laure Martini-Ledentu du Domaine Martini en 1985. Sa première vinification date de 1989, et après avoir commencé avec 2 hectares, Lina possède désormais 11,5 ha. Ses vins reflètent la pleine expression du Niellucciu et aussi de l’Alicante, un très vieux cépage assez proche du grenache noir.

Annette Leccia, dont le domaine se trouve au cœur de l’appellation Patrimonio, fait aussi partie de cette première génération de vigneronnes corses. Longtemps associée avec son frère Yves, elle mène sa barque seule depuis 2005. Contrairement à Lina Pieretti, Annette a fait le choix de travailler la vigne dans les années 1970, surprenant ses parents et son frère.  Ses deux filles, dont l’une a déjà un BTS d’œnologie, reprendront la suite.

Parmi les nombreuses figures féminine de l’île de Beauté, on peut aussi citer Marie-Brigitte Poli, du Clos Teddi qui a repris en 1997 le Domaine de son père, qui gère 35 ha en AOC Patrimonio , ainsi que Muriel Guidicelli, du domaine Giudicelli, à Penta Di Casinca au Cap Corse qui après des études de agricoles et un DESS de communication exploite ce Domaine crée en 1997 à partir de vieilles parcelles qu’elle a complété par des plantations de différents cépages locaux.

 Enfin, comment ne pas succomber aux cuvées d’Isabelle Courrèges dont le Domaine de Pratavone situé à Cognocoli-Monticchi  implanté à 8 km de Porto-Pollo sur des collines bien dégagées entre mer et maquis face à Filitosa, haut lieu de la Corse préhistorique bénéficie de l’appellation Ajaccio . De l’union sacrée avec le terroir et le savoir faire d’Isabelle Courrèges, œnologue talentueuse, naissent des rouges élégants et intenses et des rosés suaves tout en finesse.

 

Une transaction hors du cercle familial

 Et, preuve du dynamisme féminin, c’est une vigneronne, Brigitte Bertand, qui a remporté l’une des rares transactions hors d’un cercle familial : le rachat, en 2010, du domaine Coste Caserone laissé à l’abandon par son précédent propriétaire. Après une vie passée dans les affaires, Brigitte Bertrand, petite-fille de vigneron, s’est inscrite dans un lycée agricole à plus de 40 ans, et pilote aujourd’hui 38 hectares.

C’est même elle qui a réalisé l’un des succès de l’été, le Suleone, un vin blanc d’apéritif à trois cépages (muscat d’Alexandrie, chardonnay et chenin).

On ne pourra pas dire que les vignerons Corses sont machos ! bien au contraire, ils sont fiers de leurs vigneronnes et ravis que cette relève se féminise.

 www.clos-capitoro.com ;  www.castelludibaricci.com ; www.domaine-maestracci.com ;  www.closteddi.com; www.domaine-figarella.com ;  www.domaine-leccia.com; www.vinsdecorse.com

1 commentaire

  1. Enfin un hommage à la Corse, à ses prétresses du vin, à nos beaux vignobles, aux femmes fortes, talentueuses, qui ont repris en mains le destin du vin sur notre île. Merci Isabelle pour cet hymne à l’amour du vin, aux vraies valeurs….sur l’île de beauté. On est une association de filles sportives et gourmandes dont je suis présidente, on vous admire et on aime votre travail, amicalement.

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